
Untitled (Night sky), 1999. Le ciel étoilé, le cosmos, sujet privilégié de Celmins. Photo DB
Vija Celmins propose « une forme concentrée de l’art, dans un temps de flux d’images, elle réussit à créer des images impossibles », suggère Sam Keller, directeur de la Fondation Beyeler en présentant la nouvelle exposition consacrée à cette artiste américaine à la démarche si singulière.
Par Dominique BANNWARTH
A Riehen, ce sont 90 pièces de Vija Celmins – sur à peine 200 de son oeuvre à ce jour – qui sont rassemblées des années 60 aux peintures les plus récentes.
Dessins au crayon ou au fusain, peintures mais aussi quelques sculptures comme autant de recréations d’objets ou d’éléments naturels, constituent une traversée intrigante mais passionnante dans l’oeuvre de cette artiste née à Riga en 1938 et aujourd’hui établie aux Etats-Unis.
« Le temps est un élément essentiel de son oeuvre » relève encore le directeur de la Fondation, « cela nécessite un oeil attentif et un esprit ouvert: un cosmos fascinant s’ouvre alors pour le spectateur ».

Night sky, 1994-96
« Pas de composition, pas de gestes, pas de couleurs artificielles, pas de distorsion, pas d’ego » écrit Vija Celmins dans son carnet dès 1964.

Burning man, 1968.
Photo DB
La présentation de Beyeler débute à cette période, avec des oeuvres encore figuratives mais déjà inscrites dans la re-production du réel pour en extraire une nouvelle dimension, plus profonde.

Photo DB
A cette époque, les sujets de Celmins sont des objets de son environnement quotidien (lampe, radiateur, plaque chauffante…), dans une forme de réalisme dépouillé, renonçant à l’explosion démonstrative des couleurs du pop-art ou d’un hyperréalisme éclatant.

Suspended plan, 1966
Mais le réel du monde l’inspire aussi dans ces reproductions de Une du magazine Time sur les émeutes raciales à Los Angeles, ou au travers de l’évocation de la guerre illustrée par ces dessins d’avions, ou encore dans ce saisissant tableau d’un homme fuyant une maison en feu.

Photo DB
Travaillant sur le motif photographique, Vija Celmins commence alors à s’intéresser aux nuages, à l’océan comme autant de thématiques qui vont devenir récurrentes dans sa démarche. La conquête spatiale, les premières images de la surface lunaire, le cosmos, le ciel étoilé vont offrir à sa recherche un univers privilégié.

Clouds, 1968
Photo DB
Pour Theodora Vischer, commissaire de l’exposition associée à James Lingwood, « l’expérience du regard est décisive » pour appréhender le travail de Celmins qui invite à une incroyable « expérience visuelle ».
La photographie reste le prétexte initial du dessin ou de la peinture, mais c’est une autre dimension de ce réel représenté que recherche l’artiste, une profondeur, une plongée sous la surface.

Untitled (Nigh sky), 1996
Qu’elle utilise le crayon, le fusain ou l’huile, Celmins crée des tableaux où elle nous entraine dans une sorte d’infini inatteignable, dans une relation à son sujet « qui se situe entre la distance et l’intimité » selon ses propres mots.
Pas de point focal, pas de perspective, ses oeuvres ne se donnent pas avec évidence. Il faut s’approcher du support, imaginer toutes ces couches sombres de nuances de noir, ces touches de blancs subtils, cet all over de la feuille ou de la toile qui aspire le regard.

Snowfall #3, 2022-24
Ses dernières peintures sous le titre Snowfall mêlent le présent d’un moment d’hivers où tombe la neige, en flocons virevoltant avant de se poser en légères couches au sol : « je me souviens marchant dans la neige » confie Vija Celmins, « je viens de l’hiver ».

Exposition présentée du 15 juin au 21 septembre 2025 à la Fondation Beyeler à Riehen près de Bâle (Suisse)