Dans cette série « Wood statues » présentée à la Chapelle Saint-Jean, Andrej Polukord se met en scène en équilibre sur des troncs dénudés au milieu d’un espace forestier dégradé par l’intervention humaine.
Sur ces « piédestal » que figurent ces fûts, l’artiste semble donner à l’homme une forme de rôle dominateur sur la nature. Une posture héroïque pourrait-on penser. Bien au contraire en fait. L’individu ainsi haut perché s’il symbolise une forme de volonté de puissance de l’Homme sur la nature se révèle en fait menacé par sa propre chute. Tout comme la nature qui l’environne se trouve blessée par son emprise prédatrice et destructrice.
Cette mise en scène convoque une mise en accusation du rapport de l’homme à la nature, ici marquée du sceau mercantile de la production de meubles à grande échelle.
Mais au-delà de ce geste de protestation et de ce manifeste pour la défense de la forêt, l’intervention de l’artiste témoigne du rapport empathique de ce dernier avec son environnement.
Il suffit d’observer la manière d’être d’Andrej Polukord lors d’une randonnée en forêt ou en montagne, comme nous les avons partagées lors de sa venue au printemps pour préparer cette exposition. Andrej évolue dans ce milieu comme un poisson dans l’eau, attentif aux plantes, réagissant aux odeurs de champignons, levant les yeux vers les cimes des grands arbres…
Quand on sait que l’artiste passe de longues semaines dans les forêts, dormant dans des huttes ou des cabanes de fortune, on mesure sa relation intime avec la nature.
Cela ne l’empêche pas de cultiver par ailleurs une autre facette de sa personnalité artistique, où il se met en scène en « business man », costume-cravate-attaché case pour parodier les rituels marchands en vantant les vertus d’une sauce géorgienne…
A Mulhouse, dans cette Chapelle qu’il a découverte au printemps dernier, Andrej Polukord a focalisé son attention sur les statues de pierre qui se dressent le long des parois. Et plus précisément encore sur les socles de ces stèles muettes, là encore évidents piédestals offerts à tous ces personnages importants de l’histoire locale.
De là lui est donc venu le désir de reproduire ces socles en bois pour donner une nouvelle dimension à ses images ainsi exposées sur leur piédestal.
Dans la mise en espace de la chapelle, sur ce podium qui s’apparente à une scène de théâtre, ses photographies s’enrichissent d’une nouvelle dramaturgie et interpellent le regard du visiteur d’une nouvelle manière.
Dominique Bannwarth