Pour sa 25e édition, la Regionale se déploie cette année encore dans dix-huit lieux d’Alsace, du nord-ouest de la Suisse et du sud du Pays de Bade. Cet événement devenu incontournable permet de découvrir les artistes qui vivent dans cet espace des trois pays, un regard transfrontalier sur la création contemporaine.
La sélection de 186 artistes effectuée dans chaque lieu d’exposition a pu puiser dans près de 900 propositions parvenues aux organisateurs suite à un open call.
A Mulhouse, deux institutions relaient la Regionale 25 : La Kunsthalle et la Filature.
Par Dominique BANNWARTH
Les Bonimentheureuses vous invitent à La Kunsthalle
A Mulhouse, l’exposition Bonimentheureuses rassemble 20 artistes: David Batigne, Mattia Comuzzi, Giga Dinette (Jane Bidet et Clara Valdes), Elise Grenois, Simon Hampikian, Nao Kikuchi, Tim Kummer, Leonie Lass, Nostal Chic (David Bregenzer et Samuel Rauber), Raphaël-Bachir Osman, Patrick Ostrowsky, Mia Sanchez, Paula Santomé, Sebastian Schachinger, Celia et Nathalie Sidler, Sofia Smolenskaya, Raphael Stücky, Noémie Vidonne, Lorenz Wernli, Ryosuke Yamauchi.
Tous viennent d’Allemagne, de France et de Suisse, ils ont été sélectionnés par quatre commissaires d’exposition: Giga Dinette, Jane Bidet et Clara Valdes, Emma Werler et Sandrine Wymann.
Dans cette exposition, « les bonimentheureuses ont interprété des objets au prisme de leurs souvenirs, désirs et audaces.
Elles ont puisé dans leur patrimoine collectif ou intime pour créer des illusions ou des formes sollicitant notre imaginaire.
Les œuvres réunies relèvent de traditions culturelles ou de références au quotidien. Elles sollicitent nos sens et nos habitudes.
De la boutique de souvenirs à la chambre, en passant par la place du village, les bonimentheureuses invitent le spectateur à découvrir un espace placé sous le signe de la convivialité, de la complémentarité et de la gourmandise. »
Tout est parti d’une histoire de moules à gaufres…
« Comme point de départ, nous nous sommes inspirées d’une tradition dont on entend beaucoup parler en ce moment à Mulhouse : celle de la gaufre. explique Sandrine Wymann directrice de La Kunsthalle,
Ce n’est pas tant la recette de gaufre qui a retenu notre attention que la très jolie collection de moules conservée dans les réserves du musée historique. Le hasard a voulu que d’une part nous ayons été informés de l’existence de ces moules dans le cadre de l’inventaire des trésors mulhousiens engagé pour les 800 de la ville et d’autre part que Clara et Jane avaient presque un an auparavant regardé attentivement un livre édité par le CRAC d’Altkirch qui reproduisait l’ensemble des moules du musée mulhousien. Comme une évidence, nous nous sommes laissées porter par cet objet, son histoire et nous avons exploré les thèmes qu’il nous a suggéré. »
Déclinaisons de formes
La gaufre encore… comme s’en empare Emma Werler : « Ces déclinaisons de formes qui s’imprimaient sur chaque face d’une gaufre nous ont interrogées sur cette dualité qui, tantôt se fond à la manière de formes jumelles, comme dans l’œuvre Narrow World de Paula Santomé, tantôt illustre cet espace tierce qui se révèle lorsque deux entités se côtoient sans jamais se rencontrer absolument. La forme qui se crée alors est la symbiose d’une mélodie à deux voix, ou à deux mains, comme dans la vidéo qui nous présente la performance Klavierstück für zwei de Sebastian Schachinger.
Cet univers nouveau qui se crée, c’est également celui dans lequel nous invite Giga Dinette, offrant lors d’un temps plus ou moins long, un moment de découverte et de partage esthétique et culinaire.
Cette croisée des chemins entre intimité et espace de rencontre, c’est celle qui se découvre au fur et à mesure de l’exposition.
Mais c’est également celle que l’on offre, sur la place du village, au détour d’un orgue de verre où la pièce Echo Chamber Bowls de Raphaël Stücky, invite nos corps à interagir avec ces verres démesurés et révéler par de larges gestes, la musicalité cristalline qui s’improvise, au cœur de la place du village. »
Lors du vernissage (*), les quatre commissaires de l’exposition ont décliné les thématiques et les oeuvres qui les illustrent.
Déambuler dans un village traditionnel
Ainsi, Janet Bidet : « En reprenant des typologies de forme de notre imaginaire, nous recréons un village traditionnel. Ici, nous avons pensé la spacialisation comme un espace public de déambulation,
Par exemple la fontaine de David Batigne occupe le centre de l’exposition, c’est un lieu de rencontres symboliques ou réelles. On peut Flaner le long des rues et observer les différentes formes architecturales, qui sont présentent dans le travail de Patrick Ostrowsky.
Puis la promenade nous emmène dans un environnement plus intime ou l’on peut croire en une maisonette, avec la série de lit de Mia Sanchez ou encore le coin du feu de Noémie Vidonne.
Traversez notre village et laisser libre cours à votre imagination, entendez la réclame de Ryosuke Yamauchi : mangez et buvez, et essayez d’y croire. »
Souvenirs intimes
Directrice de La Kunsthalle, Sandrine Wymann poursuit cette présentation :
« Dans ces collections, constituées ou imaginées pour l’exposition, se trouvent les Pièces en cours d’Elise Grenois
que nous avons considérées comme trois moules qui s’opposent dans leurs formes abstraites à la série des Gingerbread Memorial de Sofia Smolenskaya que nous avons regardée comme un ensemble de pains d’épices marqués d’un décor populaire et traditionnel.
Au rang des souvenirs intimes, les Nostal Chic (David Bregenzer et Samuel Rauber), nous partagent une sélection de cartes postales historiques, des photographies d’un parc de loisir conservées sous résine. Ils nous plongent dans leurs souvenirs suisses, un paysage qui frôle le cliché.
Parfois, les souvenirs reviennent par le détail. Tim Kummer les convoque à travers des accessoires d’architectures qui renvoient à des constructions rustiques et traditionnelles. Ses pièces installées sur une paroi de ce que nous avons imaginé être celle de la maison font la transition entre l’espace public et la chambre privée. Elles sont à l’intersection de deux espaces qui se côtoient mais aussi charrient autant de complémentarités que d’oppositions. »
A propos de gourmandise…
« Discrètement l’œuvre de Leonie Lass nous situ dans l’espace public et évoque la trace d’une balade gourmande, explique Clara Valdes, C’est un moment de plaisir, de partage, parfois même de nostalgie. Par exemple les tableaux de Raphaël Bachir Osman convoquent nos gouts, en nous rappelant le chocolat chaud au coin du feu ou en nous mettant l’eau à la bouche sur l’étal appétissant du marché.
Tout près nous pouvons retrouver la série des emballages de beurre détourné de Celia et Nathalie Silder qui attise notre curiosité et Interroge nos consommations. Ici vous pouvez observer des formes et des couleurs aux air de friandises avec les tableaux de Lorenz Verni, qui donnent envie d’être dégusté grâce aux cuillères de Mattia Commuzzi. L’oeuvre de Simon Hampikian nous apparait comme une gaufre géante étrangement familière. »
(*) Merci à Sandrine Wymann de nous avoir partagé ces textes
=> Lire aussi l’article de Frédérique Meichler sur le site de L’Alsace
Qu’est-ce que la Regionale?
La Regionale est une plateforme importante pour
la création artistique contemporaine dans la région
trinationale autour de Bâle et accueille chaque
année environ 20.000 visiteur·euse·s. Au tournant
de l‘année 2024/25, 18 institutions du nord-ouest
de la Suisse, du sud du Pays de Bade et de
l‘Alsace présenteront, dans le cadre d‘expositions
organisées avec soin, un large éventail de productions
artistiques régionales abordant des thèmes
contemporains de grande envergure. Les artistes
explorent les questions importantes de notre
époque de manière variée et expérimentale. La
Regionale dynamise le dialogue interculturel grâce
à des formats innovants et encourage l‘échange
entre les artistes et le public. Le 25e anniversaire
se déroulera sous le leitmotiv « interconnecté·e·s,
entrelacé·e·s, enchevêtré·e·s » et sera marqué par
un programme vivant et quelques surprises. Cette
année, la Regionale 25 réunit dans 18 lieux d‘exposition
les oeuvres de 186 artistes, dont 10 collectifs.
Les 18 lieux d’exposition
- Accélérateur de particules, GarageCOOP,
- Strasbourg (FR)
- Ausstellungsraum Klingental, Basel (CH)
- Cargo Bar, Basel (CH)
- DELPHI_space, Freiburg (DE)
- E-WERK – Galerie für Gegenwartskunst,
- Freiburg (DE)
- FABRIKculture, Hégenheim (FR)
- FRAC Alsace, Sélestat (FR)
- HEK (Haus der Elektronischen Künste) (CH)
- Kunsthalle Basel (CH)
- Kunsthalle Palazzo, Liestal (CH)
- Kunsthaus Baselland, Muttenz (CH)
- Kunst Raum Riehen (CH)
- Kunstverein Freiburg (DE)
- La Kunsthalle, Mulhouse (FR)
- La Filature – Scène nationale, Mulhouse (FR)
- Projektraum M54, Basel (CH)
- Städtische Galerie Stapflehus,
- Weil am Rhein (DE)
- T66 Kulturwerk, Freiburg (DE)