CAPUCINE VANDEBROUCK
Née en 1985 à Tourcoing. Vit et travaille à Strasbourg.
www.capucinevandebrouck.fr
ENTHALPIE 2015
Installation, film chauffant, gel de paraffine, colorant ;
dimensions variables.
Capucine Vandebrouck a séjourné en 2014 dans plusieurs résidences (Fonderie Darling à Montréal, Synagogue de Delme, Stuttgart à la Kunststiftung B-W...). L'artiste met à l'épreuve divers matériaux (lumière, feu, sel, béton, pvc, cire...) et expérimente leurs limites, dévoile leurs retranchements.
Si le réel est l'effectif ou le concret, alors pour Capucine Vandebrouck la réalité est le sentiment du réel. Elle souhaite « parler de réalité à partir de la matière réelle ». Elle expose actuellement à l'Atelier Mondial de Münchenstein. Son travail sera visible en octobre au Musée La Grande Place à Saint Louis-Lès-Bitches pour un solo show dans l'espace d'exposition temporaire de la Fondation d'entreprise Hermès, en partenariat avec Pompidou Metz, curatrice Hélène Guenin. Elle exposera également en octobre à Jeune Création à Paris.
Depuis ses années d'études et la fin de celles-ci, Capucine Vandebrouck entreprend une pratique sculpturale qui use d'un vocabulaire de gestes et de procédés par lesquels les matières et les immatériaux sont en permanence mis et remis en jeu, pour leurs potentialités processuelles comme pour leurs possibilités et leurs limites structurelles. A contrario d'une culture formaliste imagée à l'horizon de laquelle doit émerger des médiums, comme finalité, la représentation d'une forme ou la forme d'une représentation, ici le sujet consiste précisément en l'expérimentation des caractéristiques constitutives et des qualités intrinsèques des « outils » employés, dans la perspective d'en révéler les effets attendus ou recherchés. Et s'il y a construction d'une image dans certains travaux récents, celle-ci concerne la représentation qu'engendre l'expérience d'elle-même. Elle fait alors partie intégrante du dispositif par l'apparition d'un effet visuel qui, par son irruption dans l'espace du regardeur, ne manque pas de questionner les mécanismes de différenciation entre le réel et la réalité, entre la manifestation du concret et sa perception. Maîtrisés autant que possible du fait des investigations que l'artiste mène dans les champs de la science et des techniques afin de servir ses intentions plastiques, et cependant dépendant de leur propre instabilité, ces « événements » sont soumis in fine à la découverte qu'en fait le public dans l'espace physique de l'œuvre ou dans une position d'observation distancée. Cela se produit par la mise à l'épreuve et en tension, par la transformation ou la révélation en des états autres, d'éléments assemblés et/ou installés, connus et utilisés habituellement pour leurs fonctionnalités premières (stroboscope et gouttes d'eau au robinet, lentille de Fresnel sur branche de bois, chandelier, cheminée au bioéthanol et projecteur notamment, etc.) ici employées à des fins expérentielles. Alors que cette pratique est celle d'un atelier permanent, évoluant au gré des situations et des contextes de résidences, de contraintes de travail et de découvertes de moyens, oscillant par ailleurs actuellement entre la manipulation de phénomènes visuels et matiéristes, de sources lumineuses et de chaleur, Capucine Vandebrouck propose avec le projet ENTHALPIE de donner à voir une étape supplémentaire de ses recherches en synthétisant le langage qui fut déjà le sien du passage de la forme vers l'informe et un intérêt nouveau pour les phénomènes physiques employés à des fins de poésie, somme toute, de création. Plusieurs formes géométriques en paraffine colorée ponctuent ainsi l'espace de la boucherie, étranges et potentielles traces d'une certaine activité organique. Dissimulant à la base de chaque moulage un système thermique, ce dispositif indiciel implique une progressive déconstruction des formes initialement solides, tout au long de la durée de l'exposition, pour faire advenir un résultat dont la cause mécanique dépasse le geste de l'art et néanmoins l'accompagne. D'une extrémité à l'autre, entre la matière qui se tient, qui se liquéfie, qui s'épanche, qui chute et qui se stabilise selon un processus aléatoire mais sous un autre visage, passant de la verticalité à l'horizontalité de sa stature, c'est l'événement de la sculpture et sa temporalité exhibée qui retiennent l'attention. Car ce qui est à voir se joue précisément « entre », là, dans des modalités qui ne sont plus celles, académiques, de l'ajout et du retrait de la matière, mais de son existence même, de sa vie dynamique.
M.R.