« Superstes c’est la friche, c’est dans la friche, juste à sa surface. Et la friche, c’est un cimetière industriel : c’est rude pour l’exposition et tendre avec la production. »
« Le but de Superstes est de proposer à quatre artistes de créer et d’exposer une pièce in-situ. La seule contrainte de sujet et de technique sera le lieu d’exposition : la friche industrielle de DMC à Mulhouse. L’endroit possède un statut particulier par rapport au reste de la ville ; elle fait partie de son histoire et de son identité. À la fois présente dans et hors des habitations, il s’agit d’un lieu singulier, point de départ de plusieurs pistes de réflexion. Pour Superstes la friche est le centre d’un questionnement et d’une mise en contrainte d’une pratique artistique.
De Superstes, il y’a une envie personnelle de travailler dans ce lieu hors normes. En tant que porteuse du projet, la friche à toujours été présente dans mon travail à travers la problématique de la mémoire et du reste. J’ai déjà évoqué ce lieu à travers des projets comme Usine ou quelques premières installations. De par son esthétique particulière et son vécu, elle marque la ville et constitue un point d’accroche dans mon travail et celui des artistes participants. Lorsque le paysage de la friche été modifié récemment par la destruction d’une partie des bâtiments rue de Pfastatt, cela a été une nouvelle impulsion qui a donné l’envie de créer dans le lieu même : se réapproprier la friche à travers la création artistique. »
« Tout raser pour retrouver le sol. Le béton primordial. La plaine morte. La matrice du lieu. Pas d’ouvriers, pas de squatters, seulement des gens qui passent. Des hommes qui parlent trop fort et aucune femme. »
La friche s'impose en « no man's land », un lieu qui n'appartient plus à personne. Hors du temps, c’est un espace libre où les habitants ne font que passer. Entre ce qui est, et ce qui a été, Superstes pose également la question du reste : Que reste-t-il d’une époque, d’un lieu et comment vit-on avec ? Symbole d’ancienne gloire via l’industrie, c’est un territoire qui concentre une multitude de thématiques au regard d’une pratique artistique. Chaque artiste apporte son vécu et son propre point de vue sur le lieu à travers une proposition originale. L’objectif n’est pas de montrer une œuvre dans un endroit insolite, mais de l’inscrire dans une démarche de création in-situ.
Travailler avec le lieu c’est aussi travailler avec sa temporalité et l’in-situ répond à ces envies. L’exposition se compose donc en trois temps : la création des œuvres, l’ouverture de la friche au public puis « l’abandon ». Tout d’abord, le travail des artistes se fera en partie ou intégralement sur la friche rue de Pfastatt. Le lieu sera rendu accessible au public pour deux jours durant lesquels les artistes et les membres de l’association seront présents. À la fin de l'exposition, les œuvres seront laissées sur place. Elles deviendront partie intégrante de la friche et connaîtront alors le même cycle de vie que les autres bâtiments. Elles vieilliront avec le lieu, pourront même complètement disparaître selon leur nature. La friche reprend alors son statut de territoire interdit, une sorte de sanctuaire uniquement accessible par « effraction » et visité par des clandestins.
LE LIEU
Superstes prendra donc place sur la friche de
DMC rue de Pfastatt.
Dolfus Mieg et Compagnie est une entreprise textile qui a contribué à modeler l’image de la ville. La fermeture d’une grande partie de l’usine et les licenciements qui ont suivi ont été vécus en drame social. Aujourd’hui, une petite partie la zone industrielle demeure toujours en activité dans la même rue, toujours sous la bannière
DMC. Le reste des bâtiments sont abandonnés et quelques- uns sont réhabilités.
Le site dans lequel le projet va se développer comportait (lors des premières visites) quatre bâtiments dont un seul est encore debout. Cette zone représente une surface conséquente et permet une grande liberté d’action. C’est aussi un lieu qui invite à la déambulation. Les ruines donnent petit à petit naissance à un territoire vestige, retiré de l’activité de la ville. C’est cette zone de « non-droit » et sa temporalité particulière que souhaite interroger cette exposition.
L’IN-SITU
À la base de ce projet, il y a l'envie de se confronter à ce lieu. La friche n'est pas le confort ni le silence d'un
white cube. C'est un lieu vivant et brut qui pose ses propres contraintes : les moyens à mettre en oeuvre pour montrer un travail, la pérennité de ce travail autant que la façon dont la friche et l’œuvre vont interagir. L'intérêt pour les artistes est de pouvoir se mesurer à la friche, de voir comment elle va influencer les problématiques qui leurs sont propres et révéler de nouveaux enjeux dans leur production artistique. Elle devient lieu de travail, terrain d’expérimentation, de création, de production et d’exposition. L’
in-situ donne à réenvisager cet endroit à travers les œuvres, non seulement en tant qu’espace singulier mais également en tant qu’espace dans la ville même. L’idée est d’habiter intégralement la friche, et grâce à l’exposition, lui rendre son activité propre : produire.
Superstes se déroule donc en plusieurs temps. Tout d’abord la production en amont de l’exposition. Elle pourra se faire partiellement ou totalement sur l’espace d’exposition de la friche avec à disposition les matériaux présents sur place. Ce projet se fait en partenariat avec
L’Art et la Matière qui permettra d’obtenir une partie des matériaux nécessaires à la création. Situé au Quai 57, ce partenariat est également cohérent vis à vis du projet : il permet de produire intégralement dans l’espace de la friche
DMC.
La friche sera ensuite ouverte au public lors d'un après-midi et une soirée de « vernissage » durant laquelle les visiteurs seront amenés à découvrir les productions et déambuler sur ce lieu. Cette soirée se déroulera à la mi-septembre et sera également l'occasion pour les artistes qui le souhaitent de performer. Le but de cet événement est de laisser le temps aux visiteurs de découvrir les œuvres ainsi que le lieu, ressentir son immensité et sa singularité. À cette occasion un autre partenariat est envisageable avec le
collectif ÖDL, une autre association mulhousienne, qui pourra proposer un artiste pour une soirée concert. En accord avec eux, le but est de faire venir un groupe ou un musicien ayant une pratique acoustique de la musique. Ce concert ne se veut évidemment pas comme un gros événement mais plutôt comme une veillée jusqu'à la fin de la soirée.
Le deuxième jour d’exposition commencera aux aurores et se terminera en début de soirée, permettant aux visiteurs de découvrir le lieu et les œuvres sur plusieurs moments, d’expérimenter et de laisser se dérouler ce temps de l’exposition. Commencera ensuite la deuxième vie de l'exposition lorsque le lieu sera de nouveau fermé au public. Les œuvres seront alors laissées sur place et vivront au rythme de la friche jusqu'à la réappropriation du terrain par son propriétaire. L’exposition deviendra uniquement visible de l’extérieur. La ville ayant comme projet sur le long terme de réhabiliter cette friche, ce projet sera une dernière action sur ce lieu avant sa disparition. Les œuvres resteront en place jusqu'à ce moment.