JULIETTE CLAVAUD
SUPERSTES 2018
Installation de six piliers en fonte percés
Depuis plusieurs années je m’intéresse à la mémoire et aux restes. D’abord Restes d’écriture, remembrances palpables, traces laissées au hasard des livres, des objets, petites phrases énigmatiques gravées sur le fer blanc au stylo Bic. Formes anthropomorphes de hantise, ces restes m’évoquent les mots blancs qu’avaient laissé les spectres sur les photographies de M.J Vearncomb.
Puis l’imprimerie m’a intriguée. L’écriture mécanique c’est l’opposition de deux matériaux et l’impact d’un moment donné. Dans cette empreinte, réside un paradoxe : celui de la présence et de l’absence. C’est là, dans le creux et dans la matière qu’existe le fantôme. A travers l’expérimentation, à travers le souvenir, c’est cette présence que j’interroge dans mon travail.
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Les friches industrielles de Mulhouse ont toujours accompagné mon travail. Il y a plusieurs mois, une grande partie des bâtiments ont été rasés, laissant face au ciel une colline de gravats dans une plaine stérile, et un amas de piliers en métal qui soutenaient le toit. Ce sont ces derniers que je souhaite utiliser comme base de travail.
En amont de la destruction, je me suis intéressée aux flûtes de la vallée Sepik en Papouasie. Il s’agit de sculptures constituées d’un bâton de la hauteur d’un homme, surmonté d’un visage. Ces sculptures sont trouées, dans la bouche de la figure ou sur leurs corps, ce qui produit un son lorsque le vent souffle. Ce chant continu, c’est la voix de l’ancêtre représenté par la flûte. C’est dans ce son que réside quelque chose de vivant.
De la même façon que ces flûtes, je souhaite faire résonner ces grands « corps » en les perforant. « Incarné » par le son ces piliers en métal industriel, ces structures qui n’étaient pas destinées à être là, et qui soutiennent un lieu qui n’existe plus. Je souhaite redresser une série de six piliers sur cette étendue de béton. Créer une grande installation dans l’espace déserté de la friche, hors du temps de la ville.